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Avec Ariane Naziri et Benoît Del Grande.

voix de Karim Bekouchi.

Mise en scène: Catriona Laing

 

Tentation présente l’histoire de trois destins qui se rejoignent dans un drame collectif autour de l’immigration et de la quête de soi : celui d’Aixa, jeune femme marocaine qui se retrouve en Espagne - celui de Guillem, jeune antiquaire catalan qui héberge Aixa - et celui d’Hassan, vieil ami du père de Guillem qui vient du Maroc lui rendre visite.

Une ambiance étrange règne dans Tentation. Il y a du suspense, on découvre petit à petit les fils de l’histoire, le lien entre les personnages. L’auteur s’amuse de ce refus de tout raconter pour entretenir le mystère de la pièce jusqu'au dénouement. Le malentendu et l'incommunicabilité alimentent la tension ambiante.

Le quatrième personnage est la caméra, l’interlocuteur absent, qui brouille et complexifie les relations humaines. Chacun a le besoin de se raconter malgré l’absence de l’autre.

Chaque personnage est en quête d'identité. Se rattache à un passé, se définit par rapport à un lieu, à une période, à une histoire familiale, à des objets, aux autres. Trois mondes sont représentés, coexistent sans s’entendre, se comprendre ni s'accepter malgré leur promiscuité. Le racisme, l’exil, le rapport à l'autre, à soi, à la filiation, sont les sujets forts de la pièce. Aixa et Guillem recherchent une reconnaissance, mais ne savent pas réellement qui ils sont. Ils pensent l'autre comme une opportunité ou un danger pour leur devenir. Ils se détruisent au contact de l'autre et autour de la présence d'Hassan. Leur corps dit une vérité que leur parole cache. Se filmer les réconforte, les fait exister.

Certains personnages de Tentation se révèlent médiocres ou ignobles. D’autres s’illusionnent de prendre le pouvoir ; ils pensent contrôler leur vie, leur destin, leur corps, leurs mots, leur image, et les gens qui les entourent. Leurs illusions finissent par les perdre et dessiner les contours d’une nouvelle réalité.

Aixa veut vivre sa vie "comme dans un film", échapper à la réalité, à elle-même. Comme Guillem, elle développe un carcan factice la protégeant de l'autre, de l'étranger, d’elle-même, de son corps et de sa violence: c'est l'origine de la "tentation".

Epilogue dans « Les portes du néant » de Samar Yasbek à propos de l’exil :
 
"Je n’avais pas beaucoup réfléchi à la définition de l’exil comme une situation exceptionnelle qui diminue les confins étroits de votre identité, qu’il s’agisse de la langue, de la nationalité, de la religion ou de la localisation géographique. En ce qui me concernait, mon texte et mon récit étaient mon identité. C’était ce que je pensais. Pendant plus de vingt ans, les histoires ont constitué le seul royaume auquel je croyais. Mais j’ai découvert après un an que l’exil est l’exil et rien d’autre. Cela veut dire marcher dans une rue et savoir que vous n’êtes pas à votre place.
Ici, dans mon exil, j’ai appris à marcher et à réfléchir pendant mon sommeil. Endormie ou peut être déjà morte ? Quelle différence alors que je me sens détachée, absente de la réalité ? J’ai beau tâter mon corps, je ne reconnais pas mes mains. Mon récit me paraît étranger, méconnaissable. Ai-je jamais été à ma place ? Je la trouverai peut-être en plongeant encore plus loin dans mon exil. "

Aïxa: "Un jour, la maison où j’habiterai sera ma maison, et les voisins me salueront dans la rue et ils me diront « bonjour, madame Untel », et le nom qu’ils diront sera catalan. Ce jour-là je n’aurai plus à me cacher pour passer une frontière. Je ne veux plus de films pour ma fantaisie, j’ai seulement envie de me reposer, de me reposer et rien d’autre."

Tentation, extrait

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